Pour innover en 2025 : attaquez-vous à la surcharge de travail de vos équipes !

Imaginez Marie, jeune cadre dans une entreprise en croissance. Chaque jour, elle doit composer avec des réunions qui s’enchainent tout au long de la journée, des dossiers urgents qui bousculent son organisation sans compter le projet de réorganisation en cours qui s’ajoute à ses missions. Malgré tous ses efforts, Marie se sent constamment débordée et stressée. Elle a de plus en plus de mal à assumer son quotidien et ses horaires de travail s’étendent progressivement les soirs, même parfois le weekend. Cette situation impacte sa vie sociale et son équilibre. Elle a depuis peu renoncé à plusieurs engagements personnels (diner entre amis, activités sportives et culturelles, …). D’après vous, Marie a-t-elle des difficultés à s’organiser ? Est-ce seulement un problème individuel ? Ou pourrions-nous interroger ses conditions de travail ?

En effet, cette histoire n’est sans doute pas isolée… Selon une étude de l’Institut National de Santé et de Recherche Médicale (INSERM), environ 30% des travailleurs français se disent surchargés (1). En 2024, 61% des managers trouvent leur charge de travail trop importante pour répondre efficacement aux attentes de leur organisation selon une étude Gartner (2).

Qu’est-ce que la surcharge de travail ?

C’est une situation dans laquelle la quantité de travail demandée à un salarié dépasse ses capacités physiques et mentales. En d’autres termes, les tâches à effectuer sont trop importantes ou nombreuses par rapport au temps imparti, et le salarié se retrouve débordé et ne sait comment gérer ce rythme effréné (1). Les conséquences qui peuvent alerter : baisse de la productivité, stress chronique, jusqu’à l’épuisement professionnel (burnout), (4).

Une étude de l’OMS de 2021 sur le temps de travail met en évidence un risque majeur :  réaliser plus de 55 heures de travail régulier par semaine augmenterait significativement les problèmes cardiovasculaires*(8). 2 types de « sur travail » sont concernés par l’étude :

  • Extensif : plus d’heures de travail à réaliser pour effectuer le travail.
  • Intensif : plus de choses à faire dans un temps contraint (sous-effectif, absentéisme…)

Que dit la loi à propos de la charge de travail ?

L’article L3121-60 du Code du travail évoque la question de la charge de travail comme suit : « L’employeur est tenu de s’assurer que la charge de travail est raisonnable et permet une bonne répartition dans le temps de son travail ».

De plus des décisions de jurisprudence nous incitent fortement à évaluer la charge de travail particulièrement dans le cadre de projet de réorganisation ou lors de risque de survenue d’accidents de travail (5).

Cela parait relativement simple à appliquer, néanmoins, la réalité de l’exercice de suivi et de répartition de la charge peut s’avérer assez complexe.

Comment évaluer la charge de travail ?

L’agence Nationale pour l’Amélioration des Conditions de Travail (ANACT) propose des ressources, notamment une méthodologie structurée et des outils pour évaluer la charge de travail.

La méthodologie de l’ANACT propose de distinguer la charge prescrite (ce qui doit être fait), de la charge réelle (ce qui est fait), ainsi que la charge vécue (ce qui est ressenti). L’intérêt de cette distinction est d’identifier quels peuvent être les facteurs de charge, les ressources mobilisables et les actions de régulation possible. Cette approche globale de la charge de travail ne distinguent pas charge mentale et charge physique car combinées dans l’activité elles seraient difficilement séparables.

Quel retour d’expérience des acteurs de terrain ?

La charge de travail est un sujet incontournable évoqué par les managers et collaborateurs dans la majorité de nos interventions au sein d’Ecosystème Qualité de Vie au Travail (actions de formation, prévention des RPS, accompagnement d’équipe…). Exprimée principalement en tant que surcharge de travail, elle n’est souvent qu’une conséquence de dysfonctionnements à interroger sur un plan organisationnel et des conditions de travail. Assurément si le sujet est traité de façon individuelle, nous courons le risque de culpabiliser ceux qui subissent ces situations de surcharge tout en évitant aveuglément les causes du problème.

La liste de ces causes peut être longue mais les facteurs sont souvent les mêmes : Manque de clarté des rôles et/ou des objectifs, priorisation individuelle et collective insuffisante (parfois inexistante), absence ou manque d’évaluation et de suivi de la charge de travail, pas ou peu de retour constructif sur la qualité du travail… loin de l’exhaustivité, ces causes probables de surcharge de travail sont bien souvent liées à un manque de cadre structuré et un mode de fonctionnement bien défini, fondamental pour faire équipe et délivrer un travail collectif.

Mais alors, comment prévenir ou agir sur une surcharge de travail ?

Pas de recette magique ni d’outil miracle… Le bon sens est souvent de mise pour agir ou réagir avec pragmatisme. En reprenant le propos d’un collègue, Loic David, sur le sujet « le manager est le premier régulateur de la charge de travail de ses équipe ». Voici donc les actions organisationnelles et managériales les plus fréquemment travaillées en formation avec les managers ou recommandées lors de nos accompagnements d’équipe :

  • Investir la relation avec chacun et clarifier les attentes mutuelles : Assurez-vous d’installer et d’entretenir une relation avec chaque collaborateur et de les accompagner dans la compréhension de leurs responsabilités et des délais associés.
  • Définir des objectifs clairs et les réajuster régulièrement : Identifiez les priorités stratégiques et établissez des objectifs SMART (Spécifiques, Mesurables, Atteignables, Réalistes, Temporellement définis). Adaptez les objectifs et les tâches en fonction de l’évolution des projets et des besoins.
  • Évaluer la charge de travail : Analysez régulièrement la charge de travail de chaque membre de l’équipe pour éviter la surcharge ou sous-charge.
  • Proposer un feedback continu et encourager le feedback des collaborateurs : Offrez un retour d’information constructif pour aider chaque membre de l’équipe à s’améliorer. Maintenez une communication ouverte pour identifier les problèmes potentiels liés à la charge de travail.
  • Promouvoir une culture de soutien et apporter du soutien aux équipes : Encouragez une culture où les collaborateurs se sentent soutenus et peuvent demander de l’aide si nécessaire. Fournissez le soutien nécessaire, qu’il soit technique ou en termes de formation, pour permettre à l’équipe de gérer efficacement sa charge de travail.
  • Construire de solides rituels individuelles et collectives : planifiez des temps d’échanges de façon récurrente (toujours le même jour ou à la même fréquence) et dans la durée (sur 3 à 6 mois). Concrètement, organisez les entretiens individuels de suivi de l’activité/charge toutes les semaines/quinzaines et les réunions d’équipe sur le « quoi » de façon hebdomadaire et sur le « comment » de façon cyclique (ex : tous les 3 mois, questionner l’équipe sur l’efficacité des modes de fonctionnement). Veillez à personnaliser et ajuster leurs fréquences selon le besoin de chacun.
  • Favoriser le travail d’équipe et l’amélioration continue : Incitez les membres de l’équipe à collaborer et à partager les responsabilités pour mieux répartir la charge de travail. Encouragez l’adoption de méthodologies (retour d’expérience, rétrospective) pour améliorer continuellement les processus de travail.

En conclusion, pour réguler la charge de travail, l’outil le plus efficace restera le dialogue en continu entre managers et collaborateurs afin de détecter les difficultés et ajuster les moyens et ressources. Les leviers de prévention et d’action à disposition de chaque équipe sur une situation de surcharge seront le soutien hiérarchique et/ou technique proposé, d’encourager et reconnaitre les comportements de soutien et d’entraide au sein de vos équipes. Ce qui faut retenir, c’est que les organisations dans lesquelles chacun est à l’aise pour demander de l’aide et proposer son aide entretiennent une meilleure qualité des relations, sont plus performantes et surtout résilientes en cas de difficulté… En effet, une étude de l’Université de Liège montre que réduire voire prévenir la surcharge de travail améliore la santé mentale et physique des collaborateurs, mais aussi la performance globale ! (6).

 

Lionel Bravi, Psychologue du travail et des organisations
Consultant Écosystème QVT

Références :

1 www.medecindirect.fr Surcharge de travail : risques, symptômes, cadre légal (medecindirect.fr)

2 www.gartner.com Top 5 HR Trends and Priorities That Matter Most in 2025

3 afcledermann.com Surcharge de travail : conséquences, signes, ce que dit la loi (afcledermann.com)

4 performance-tpe.fr Les 7 Conséquences de la Surcharge de Travail – Performance-tpe

5 ANACT Kit « Agir sur la charge de travail » | Anact

6 shs.cairn.info Clinique du burn out et perspective écosystémique | Cairn.info

7 www.cadremploi.fr Surcharge de travail : 11 conseils pour lutter contre – Cadremploi

8 Les longues heures de travail augmentent la mortalité liée aux maladies cardiaques et aux accidents vasculaires cérébraux : OMS, OIT